mardi 8 décembre 2009

Jacques Chessex

Rencontre « Tulalu !? » du 19 octobre 2009 : hommage à Jacques Chessex

Jacques Chessex est décédé le 9 octobre 2009. Miguel, Stéphanie et moi n’avions jamais rien lu de cet auteur, pourtant nous connaissions tous cette figure. Cet écrivain si présent dans le paysage qu’on finissait par l’oublier. Cet artiste dont les livres étaient moins connus que ses frasques et qui n’invitait pas l’envie de lire ses œuvres. Effrayés par la perte soudaine de ce prix Goncourt bien de chez nous, mais tellement étranger, nous avons décidé d’organiser une soirée « hommage » le 19 octobre au Zinéma. Nous souhaitions comprendre ce personnage et le découvrir.

Autour de la table, Mousse Boulanger, écrivaine, comédienne et, surtout, grande amie de Jacques Chessex. Un autre de ses amis précieux, Jean-Claude Boré, est présent. Pour introduire le parcours de l’auteur, Daniel Maggetti, professeur à l’Université de Lausanne. Le reste du comité est minime, mais il est très attentif aux propos qui accompagnent la mort de ce poète exigeant.

L’exigence : c’est probablement le mot clé de la soirée qui orne le départ de Jacques Chessex mort entouré de littérature à la bibliothèque d’Yverdon. Il se levait tous les matins à 4h pour écrire. Il commençait par composer un poème en s’inspirant de la nature qui s’offrait à lui depuis les fenêtres de sa maison de Ropraz. « Je n’ai pas d’imagination », avouait-il. Peut-être est-ce pour cette raison que le moindre fait divers servait sa création ? L’exemple est parlant en ce qui concerne « Un juif pour l’exemple » qui raconte le destin d’un Juif qui évolue dans l’antisémitisme assassin de Payerne. Ce livre valut à Chessex des menaces de mort : « Si tu remets les pieds à Payerne, on te crève ! ». Le meurtre du pauvre homme, choisi pour l’exemple, est décrit de façon froidement anatomique. Le point de vue sur la scène est très distant ce qui permet au lecteur de lire le texte sans avoir envie de vomir. On y trouve même une certaine esthétique tant les mots comblent l’horreur de la réalité. Précision, rigueur et formules : une exigence donc dans le choix des thèmes abordés et dans la manière de les traiter.

Exigence, également, envers lui-même. Depuis tout jeune, une seule envie : égaler Flaubert, devenir célèbre et être réputé. C’est cette exigence sûre d’elle-même qui pouvait pousser les gens à détester Chessex soupçonné d’orgueil ! Il s’en fichait. Il savait, lui, qu’il était un génie. Génie oui, mais au Pays de Vaud qu’il n’a jamais véritablement quitté. Quand son père met fin à ses jours, Chessex se résout à aimer ce qu’il avait toujours haï. A défaut du père, il s’est mis à chérir la terre : « Pour écrire, il faut avoir son carré de terre ».

Jacques Chessex réinventait l’histoire. Il créait des scénarios qui s’étaient sûrement réalisés dans la vie. Il racontait des secrets. Avec, toujours cette beauté de la naissance et de la vie saupoudrée par l’angoisse de la mort. Avec aussi, cet espoir persistant : Dieu.

Au terme de la soirée, Mousse Boulanger lit des poèmes issus du recueil « Dialogue au bord d’une rivière ». Dans la splendeur de cette lecture ponctuée d’émotions, c’est toute l’œuvre d’un grand auteur romand que nous apprenons. Une seule envie dorénavant. Celle de révéler aux gens : lisez Jacques Chessex !

Carole Dubuis